Les derniers chiffres publiés par la Banque centrale du Luxembourg sont formels, les taux d’intérêt pratiqués par les banques en matière de prêts immobiliers sont en hausse. La moyenne des taux fixés pour des prêts de longue durée a fortement augmenté, avec une moyenne dépassant les 2,85 % selon les chiffres du STATEC. Lors de notre précédent blog, nous expliquions que la hausse est inévitable, dans ce contexte d’inflation, les banques pratiquent des taux plus élevés, et les politiques des banques centrales poursuivront cette logique, l’objectif étant que l’inflation finisse par freiner.

 

Dans ce contexte, il est plus difficile et coûteux d’emprunter, puisque nos capacités d’emprunt se retrouvent réduites par une part d’intérêts plus importante à rembourser chaque mois, et des conditions d’apport plus restrictives. Pourtant, il faut relativiser cette hausse pour deux raisons. La première est que la hausse des taux va permettre globalement de freiner l’envolée des prix de l’immobilier.

 

Il est difficile de prévoir l’évolution des prix, une baisse du prix au m2 reste peu probable ou en tout cas sera de moindre mesure (ou localisée dans les quartiers où les hausses en 2020 et 2021 furent les plus explosives), mais on peut affirmer sans trop de doute que les prix ne pourront autant augmenter que les années précédentes, notamment en 2021 où certains secteurs ont vu des augmentations démesurées à +20%. Certains analystes parlent même de bulles spéculatives, que ce soit au niveau de l’immobilier ou d’autres marchés, ce qui justifie aussi les hausses de taux d’intérêts puisque ce surplus d’argent est moteur de l’inflation.

Soyons clair, les prix au m2 ne vont donc pas baisser, mais l’idée est de dire que si les prix ralentissent, s’il y a légèrement moins d’acheteur sur le marché (cela reste à vérifier en pratique), alors les acheteurs se trouvent en meilleure position face aux vendeurs par rapport aux dernières années. Bien sûr, le marché reste en tension, et la demande pour les logements reste forte, mais les vendeurs ne pourront continuer à gonfler le prix et à demander à leurs agents immobilier des sommes surévaluées par rapport au marché. La négociation du prix devient donc envisageable, et vendre à des prix trop élevés deviendra de plus en plus en difficile pour les vendeurs dans ce contexte. A ce titre, recourir à un agent immobilier reste la meilleure solution afin d’avoir une estimation précise et ne pas s’écarter des prix du marché.

 

En réalité, la hausse des taux d’intérêts est surtout défavorable aux promoteurs. Ces derniers ont recours à l’emprunt pour réaliser leurs projets, doivent vendre des immeubles et rembourser leurs prêts une fois l’opération terminée. Si les intérêts à rembourser sont plus élevés, et s’il on combine cela avec l’inflation, c’est-à-dire la hausse des prix des matériaux nécessaires à la construction des logements, les marges sont réduites, les banques sont plus réticentes à prêter de l’argent et les constructions de logements sont nettement en baisse cette année 2022. Il faudra à ce titre, vérifier si le manque de constructions nouvelles pourra intensifier la tension sur le marché, même si la répercussion semble plus logique au niveau des locations (moins de logements neufs à louer) que sur les ventes d’immeubles globalement au Luxembourg.

Un ralentissement des prix plutôt en faveur des acheteurs, c’est donc le premier point à souligner, mais il faut aussi, et c’est l’objet de ce deuxième point, relativiser cette hausse de taux d’intérêt, et penser à optimiser le taux d’emprunt immobilier.

 

Les taux augmentent, mais il faut rappeler qu’ils étaient à des niveaux très bas ces dernières années. Si on illustre cela à l’aide des taux EURIBOR (marché interbancaire, c’est-à-dire les emprunts entre banques), on a une idée proche de l’évolution des taux variables pratiqués par les banques. Pour rappel, on parle de taux variable lorsque l’on souscrit un emprunt dont le taux d’intérêt n’est pas fixé à l’avance, c’est un taux qui est amené à varier, par exemple chaque année suivant la date de la conclusion du contrat.

 

Si on regarde sur un an, l’évolution fait en effet froid dans le dos.

Graphique Euribor

 

La situation faisait même apparaître les fameux taux négatifs, avant de basculer vers des taux positifs récemment.

Mais en prenant légèrement du recul, on peut se rendre compte que les taux ne sont pas si élevés par rapport à leurs niveaux historiques.

Graphique Euribor

En parlant de taux variables, il est clair que les banques sont rarement prêtes à conclure un prêt uniquement en taux variable pour un emprunt immobilier. Mais en pratique, les banques accordent des prêts mixtes, ou une partie est conclue en taux fixe, et une autre en taux variable. Par exemple sur un prêt d’une durée de 20 ans, on peut envisager 10 ans de remboursement à taux fixe, et le restant en taux variable. Durant les 10 premières années, le taux est déterminé et les mensualités sont les mêmes chaque mois, durant les 10 années suivantes en taux variable, soit le montant des mensualités augmente ou baisse selon le taux qui évolue à la hausse ou à la baisse, soit la mensualité reste constante, mais la durée d’emprunt se prolonge ou s’écourte en fonction de l’évolution du taux. De cette manière, en envisageant que les taux ne grimpent pas en flèche durant les années qui suivent, on peut réduire les intérêts dus à la banque. De plus, le taux variable est souvent capé, c’est-à-dire que l’on inscrit dans le contrat un pourcentage maximale du taux variable, que l’on ne pourra excéder lors du remboursement du prêt.

Cependant, il faut avoir plusieurs choses en tête avant de souscrire un taux mixte. Un des avantages principaux est de limiter la partie en taux fixe, car plus la durée d’emprunt à taux fixe est élevée, plus le taux fixe est élevé également. Le taux mixte n’est donc pas adapté aux échéances les plus longues. D’autant plus car une fois la partie taux fixe terminée, on passe en taux variable, et en taux variable, le remboursement anticipé est possible sans pénalité. Ce mode de prêt est donc particulièrement adapté aux primo accédants qui souhaitent revendre leurs biens au bout de quelques années, par exemple au bout de 8 à 10 ans. Si la partie taux fixe se limite à 10 ans, vous pourrez revendre votre bien et rembourser de manière anticiper le prêt sans pénalité (car on bascule en taux variable), et de cette manière, en limitant la durée du taux fixe (par exemple par rapport à un prêt de 20 ans en taux fixe avec des pénalités en cas de remboursement anticipé), vous aurez globalement des intérêts bien moins élevés. Certaines banques proposent en plus des clauses qui permettent de prolonger (ou de reconduire) la période de taux fixe, aux taux du moment, si vous souhaitez conserver votre bien et ne pas basculer en taux variable après la première période de taux fixe. Notons pour finir que ce type de prêt n’est pas forcément accordé à tous les emprunteurs, et il est donc intéressant de présenter un projet solide devant sa banque en calculant l’intérêt de l’introduction d’un taux variable dans les échéances.

 

Certaines banques luxembourgeoises prévoient également des prêts in fine. Ce sont des prêts où les intérêts (et éventuellement les primes d’assurance) sont remboursés chaque mois, mais le capital est lui remboursé uniquement à l’échéance du prêt (dans un prêt classique ou amortissable, vous remboursez chaque mois capital + intérêts). Ces prêts sont davantage utiles aux investissements immobiliers ou locatifs, les intérêts restent constants durant toute la durée du prêt (alors que les intérêts sont dégressifs pour les prêts classiques donc diminuent avec le temps), ce qui permet de déduire ces intérêts des revenus générés par le bien immobilier, sachant que le prêt in fine, plus risqué pour la banque, vise des taux plus élevés et donc permet de déduire davantage de charges de ses revenus locatifs. Il permet aussi, étant donné que le capital n’est pas à rembourser tous les mois, de placer ce capital (par exemple le prêt in fine s’accompagne d’une assurance vie où le capital est placé), et donc de faciliter le remboursement du capital à l’échéance (en espérant donc qu’il prenne de la valeur). Mais le prêt in fine est parfois aussi souscrit pour des résidences principales, dans des formules mixtes. Souvent pour des échéances longues. C’est-à-dire qu’une première période est prévue en taux fixe classique, donc avec remboursement du capital et des intérêts chaque mois, et une deuxième période est prévue en in fine, vous remboursez uniquement les intérêts chaque mois, et à l’échéance, le restant du capital qui n’a pas été payé durant la première phase. C’est donc une adaptation du prêt in fine qui permet de prendre moins de risque dans le remboursement du capital, puisque durant la première phase, l’emprunteur en a déjà remboursé une bonne partie. Surtout, dans la phase in fine, il n’y a que les intérêts à rembourser, c’est un vrai allégement du remboursement. Pour cela, il faut tout de même avoir une solide situation financière, puisqu’il y a un risque de non-remboursement du capital. Ce même risque explique aussi que le credit in fine soit sujet à des taux plus élevés, il faut donc arbitrer entre intérêts plus élevés, mais remboursement allégé et possibilité de placer le capital.

Pour finir, les taux dépendent de la conjoncture, mais il reste des éléments qui ne varient pas à prendre en considération. Typiquement l’apport dont nous parlions durant le précédent blog, plus vous avez d’apport, plus votre partie emprunt est faible, et vous pouvez ainsi diminuer votre durée d’emprunt et bénéficier de meilleurs taux (en taux fixe, plus la durée est longue, plus il y a d’intérêts). Il faut montrer au banquier sa capacité à emprunter, en ayant les 6 derniers mois, des comptes très lisibles, et transférer le plus régulièrement des fonds sur des comptes d’épargne. Il faut également penser aux frais de dossier, qui peuvent être plus ou moins négociables. Il ne faut pas oublier que durant les dernières années, les taux d’intérêts étaient faibles, et les banques compensaient avec des frais de dossier plus nombreux. On peut par exemple négocier les pénalités en cas de remboursement anticipé, les frais de courtage, les frais d’ouverture de compte, les frais de garantie (pour le cautionnement par exemple). Cela permet aussi de s’assurer de ne pas dépasser le taux d’usure en réduisant tous les frais annexés à l’emprunt, dans le cas contraire, le prêt serait automatiquement refusé. Enfin, pour réduire le coût de l’emprunt, on peut aussi se pencher sur les assurances, faire une délégation d’assurance, changer la quotité de l’assurance (si le prêt est couvert par deux personnes, vous pouvez allouer la part d’assurance de chaque personne de 50/50 à 60/40 par exemple et optimiser le paiement), l’assurance peut en effet constituer une grande part du coût de l’emprunt, et négocier les frais qui y sont liés peut-être une solution.

La hausse des taux d’intérêt est donc à relativiser, premièrement au niveau des prix de vente qui ne pourront augmenter autant que les dernières années, laissant ainsi place à de possibles marges de négociation du côté de l’acheteur, particulièrement en réponse à des prix surévalués. C’est aussi l’occasion de rappeler l’importance de faire estimer correctement et précisément son bien par un professionnel de l’immobilier. Et deuxièmement au niveau des taux qui font suite à des niveaux très faibles et restent optimisables en réfléchissant bien à toutes les options proposées par les établissements bancaires et les assureurs.

 

Un article de Van Maurits Immobilière

linkedinFacebookInstagram

crédit photos; SevenStorm JUHASZIMRUS PhotoMIX Company Burak the Weekender Philipp Birmes
Source des graphiques : euribor-rates.eu