Le 31 janvier 2024, le Premier ministre, Luc Frieden, le ministre du Logement et de l’Aménagement du territoire, Claude Meisch, et le ministre des Finances, Gilles Roth, ont présenté un ensemble de mesures destinées à améliorer la situation du logement au Luxembourg.

Ces mesures visent deux différents points, le premier vise à soulager les ménages, en proposant des subventions sous diverses formes ainsi que des aides fiscales, et le deuxième point vise le secteur de la construction en lui-même, en proposant de nouveaux fonds pour le secteur public du logement.

Van Maurits a tenu tout d’abord à résumer les différentes solutions proposées, pour vous donner une idée globale mais à la fois chiffrée des annonces du gouvernement.

Des subventions ajustées sans grande surprise

Comme nous l’avons précisé, les annonces concernent tout d’abord un volet directement consacré aux particuliers et aux ménages luxembourgeois, celles-ci concernent notamment :

 

Précisons les primes d’accessions à la propriété. Ces dernières oscillent entre 500€ et 10.000€ (avec une prime de +40% pour un logement en copropriété ou une maison en rangée et une prime de +15% pour une maison jumelée), en plus d’une prime compensatoire conjoncturelle pour les logements nouvellement construits dont l’acte authentique de vente est signé entre le 01.09.2023 et le 31.12.2024 (d’un montant de 20.000 €).

 

Ce sont donc des subventions plus ou moins directes, qui concernent l’aide au paiement des loyers mais aussi l’aide à l’acquisition d’un bien immobilier.

On notera que ces mesures ne créent rien de nouveau, elles ne représentent que des ajustements des subventions déjà existantes. Notons que la subvention d’intérêt est toutefois intéressante, puisqu’avec 3.5%, elles sont bien calibrées avec le marché actuel on l’on peut voir des taux tournant autour des 4%. Seulement, le texte annonçant la mesure ne précise pas la chose suivante : Le montant maximal à subventionner est plafonné à 280.000 euros et le taux de la subvention d’intérêt varie entre 0,25 % et 2,45 % (désormais 3,5%) en fonction de votre revenu et votre situation familiale. On voit que le gouvernement est concerné par la situation du marché de l’emprunt et c’est une bonne nouvelle. Toutefois, quand on connait les montants nécessaires à l’acquisition d’un logement au Luxembourg, cela ne permettra pas forcément de débloquer la situation de nombreux ménages.

Notons également, que la situation des célibataires est particulièrement difficile. Alors que les subventions des ménages en couple peuvent augmenter jusqu’à 25%, celles des célibataires se cantonnent à 6%, et ayant de manière générale moins de chance d’avoir un enfant, la deuxième subvention les concernera moins que les couples. On connait déjà au Luxembourg la situation fiscale particulièrement défavorable pour les célibataires, cette annonce n’ira pas dans le sens d’une amélioration, c’est dommage, car il y a des milliers de jeunes travailleurs et d’étudiants célibataires qui seront concernées par cette situation, qui répondent à l’attractivité du Luxembourg et sont très susceptibles de devoir prendre un appartement en location, étant donné que c’est une des catégories de la population qui n’est pas avantagé en termes de salaire et de revenu.

De nouvelles aides fiscales

Nous avons donc parler du volet des subventions, mais la plupart des annonces concernent des avantages fiscaux, en voici un résumé :

Ces mesures fiscales sont donc plutôt bien soutenues, notamment pour la question des crédit d’impôt et des plus-values immobilières.

En effet, nous avions dans un précédent blog critiqué l’imposition des plus-values en résidence secondaire au Luxembourg (les résidences principales sont exonérées, comme de nombreux pays européens), en démontrant que globalement, le Luxembourg est moins attractif que ses voisins, notamment la Belgique et la France. On voit ici que le gouvernement fait un gros effort, en proposant un quart du taux global (qui est votre taux d’impôt sur le revenu, dont on ne prend donc qu’1/4 du taux qui rassemble tous vos revenus). Nous avions suggéré qu’un taux plus attractif inciterait les propriétaires à céder leurs biens, sans engendrer une plus-value punitive. L’idée d’abaisser la spéculation est également bonne, en faisant passer à l’avenir le temps de détention à 5 ans et non plus 2 ans. En réalité, un objectif pertinent serait d’augmenter cette durée sensiblement, pour éviter la spéculation, et derrière, réduire les impôts pour ceux qui ont détenu un bien depuis plusieurs années. Ce sont les propriétaires luxembourgeois de longue date qu’il faut inciter à vendre pour fluidifier le marché, et réduire la tendance qui est un grand nombre d’acheteurs sur le marché et aucun vendeur prêt à se séparer de son bien. C’est donc un point positif.

Les crédit d’impôt sont augmentés et ciblent précisément les VEFA, ce qui est également un bon moyen de fluidifier le marché et de débloquer la situation délicate des promoteurs qui reposent sur la vente des VEFA pour que les projets soient viables (notamment les promoteurs endettées, dont la vente de biens est vitale pour la poursuite de l’activité).

Pour le reste, cela relève également d’ajustements, et non de réformes substantielles. On regrette peut-être l’absence de mesures supplémentaires ou nouvelles pour les primo accédants, qui malgré les mesures, resteront toujours impactés par les taux d’intérêts et l’envol des prix sur le marché résultant de trop peu de constructions disponibles. L’idée est que malgré des crédit ou des subventions, le réel problème sous-jacent est le nombre insuffisant de logements sur le marché luxembourgeois. Imaginez de plus que les taux d’intérêt vont baisser, en apparence, une nouvelle positive, mais qui s’accompagnera très certainement d’une nouvelle hausse des prix du logements, cela ne sera pas résolu par des subventions malheureusement. On peut toutefois noter que ces mesures relèvent plutôt dans la logique du gouvernent (ou en tout cas celle qui semble apparaitre) de mesures d’urgence pour soulager le secteur plutôt que des solutions de long terme. Voyons justement les mesures visant la construction en elle-même.

Soutien au logement publique

Nous avons donc globalement des aides fiscales et sociales. En ouvrant le document du gouvernement, et vu l’intitulé des mesures, nous nous attendions à des mesures directes soutenant le secteur de la construction, c’est à dire en schématisant les acteurs de la construction et de la promotion immobilière. En réalité, ces aides visent les particuliers, et le secteur de la construction publique. On peut résumer ce soutien à deux mesures :

  • La prolongation et le renforcement du programme VEFA de la part du gouvernement : ce sera un investissement de 480 millions d’euros sur une période pluriannuelle (2024-2027) pour acquérir environ 800 logements.
  • L’augmentation de l’investissement dans la création de logements abordables publics : Un investissement de plus de 900 millions d’euros sur les années 2024-2026 à travers le Fonds spécial pour le logement abordable.

Il est utile de rappeler les conditions d’un logement social :

  • Le demandeur est une personne physique majeure au jour de l’introduction de la demande.
  • Le demandeur et aucun des membres de la communauté domestique n’est ni propriétaire, ni usufruitier, ni emphytéote, ni bénéficiaire d’un droit d’habitation, de plus d’un tiers indivis, d’un autre logement au Grand‑Duché de Luxembourg ou à l’étranger.
  • Le revenu mensuel du demandeur et des membres de sa communauté domestique est inférieur ou égal au plafond d’éligibilité fixé suivant la composition de la communauté domestique, conformément au tableau ci‑dessous :

Cela vise donc des salaires plutôt faibles, toutefois, le revenu par adulte correspond à plus du salaire minimum qualifié ce qui représente un seuil assez étendu.

L’investissement à réaliser est plutôt positif, car il permettra de pérenniser ces logements pour les foyers dont le salaire est plutôt faible, et ces logements ne seront donc pas utilisés pour la spéculation ou bloquer par des propriétaires. Cela représente un nombre considérable de logements sur la période donnée.

 

Toutefois, cela se cantonne au secteur public. Or, le constat actuel est que les acteurs privés dans le secteur sont en souffrance. On l’a détaillé de nombreuses fois dans nos blogs, les conditions d’emprunt (taux d’intérêts qui basculent d’une année à l’autre de taux très faibles à des montants d’emprunts totaux astronomiques), l’inflation sur les matériaux de constructions et les salaires, et la baisse du nombre de ventes pèsent considérablement sur les bilans des promoteurs. Le résultats est que le nombre de projets est en diminution, et certains acteurs risquent la faillite dans ces conditions. Alors, oui, il est bien de soutenir les ménages pour relancer le pouvoir d’achat et donc indirectement les ventes de biens, mais est que cela est nécessaire à relancer le secteur ? Est-ce que des aides directes aux promoteurs ne seraient pas plus appropriées sous cet intitulé ?

Comme nous l’avons mentionné plus haut, des aides au pouvoir d’achat n’auront pas d’impact significatif sur la situation du marché à long terme : le nerf de la guerre reste le nombres de logements disponibles au Luxembourg. Il faut réduire la spéculation basique sur les terrains, inciter les propriétaires à vendre, et construire. Nous l’avions déjà expliqué, cela ne passe pas que par des aides aux promoteurs, mais aussi à faire évoluer les contraintes administratives et les plans d’aménagements. Les plans sont restrictifs et ne permettent pas aux promoteurs de construire plus grands et plus hauts (les étages sont restreints en eux-mêmes), ce qui contribue encore et une fois à un nombre de logements bien trop faible au Luxembourg, et c’est sur ce terrain qu’il y a tant à faire. Globalement, il ressort de ces annonces des aides d’urgence, qui vont probablement aider les ménages, mais il manque sûrement une vision long-termiste, des réformes légales et administratives qui débloqueront toutes les contraintes portées par les promoteurs, et qui permettraient aux acteurs privés et pas seulement publique d’assurer bien plus de logements disponibles pour notre pays.


Un article de Van Maurits Immobilière.