Acheter ou louer. C’est LA question que tout le monde se pose un jour ou l’autre. En fouillant l’internet et en parcourant les blogs existants, on se rend vite compte d’une chose : la plupart des articles se contentent de lister des avantages et des inconvénients, pour finalement conclure que « cela dépend de votre situation ».

Nous ne prétendons pas détenir la réponse universelle, mais nous pensons qu’une comparaison chiffrée, concrète et claire est bien plus utile que de simples généralités. Ce sera aussi l’occasion d’expliquer les différents mécanismes liés à l’achat et à la location : ce qu’il faut savoir, ce qu’il faut calculer et ce qu’il faut analyser avant de personnaliser cette réflexion à sa propre situation.

Et puis, il faut le dire : beaucoup de ces contenus viennent de l’étranger, où la question du logement est importante, certes, mais rarement aussi brûlante qu’ici, au Luxembourg. Entre les prix parmi les plus élevés d’Europe, des loyers qui ne cessent de grimper et des taux d’intérêt encore hauts, prendre une décision éclairée n’a jamais été aussi compliqué.

Dans cet article, on sort enfin du « ça dépend ». On met les chiffres sur la table pour comparer noir sur blanc le coût réel d’un achat par rapport à une location au Luxembourg. Pas de grandes théories, mais un scénario concret et réaliste, basé sur des paramètres comparables. Bien sûr, on ne prétend pas être le STATEC, mais on va poser des bases claires pour mieux comprendre ce qui se cache derrière cette fameuse question.

Le cas d’étude : une simulation concrète sur 15 ans

Comparer location et achat, ce n’est pas juste mettre un loyer d’un côté et une mensualité de prêt de l’autre. On a voulu être plus complet, avec une simulation concrète, année par année, pour voir l’impact réel de chaque choix sur le patrimoine au bout de 15 ans.

 Le bien choisi : un studio à 374 460 €

On part d’un studio à 374 460 €, ce qui correspond à un studio de 25-30m² au Luxembourg, en moyenne, hors des zones les plus chères. Nous partons volontairement d’une base modeste, car le prix au m² y est bien plus précis que pour des biens plus grands ou anciens. Si nous avions choisi une grande maison, il serait difficile de mettre en face du prix d’achat un loyer correspondant. Cette approche nous semble donc moins biaisée.

De plus, la question de l’achat ou de la location est souvent celle des jeunes actifs, qui après quelques années de travail, se demandent quel est le meilleur choix pour la suite. Nous ne pouvons donc pas considérer un appartement à 2 million d’euros.

Le profil acheteur : coûts réels et mécanismes

À ce prix d’achat, il faut bien entendu y ajouter les droits d’enregistrement qui représentent normalement 7 % du prix, mais grâce au Bëllegen Akt, un primo-accédant résident (i.e., ce qui est notre cas) peut quasiment les effacer (jusqu’à 40 000 € de crédit d’impôt). Il reste donc quelques milliers d’euros de frais directement supportés par l’acheteur (i.e., on considère que le crédit d’impôt est une économie directe pour simplifier la démarche).

Au final, le coût direct (attention nous prendrons en compte les autres coûts ensuite) pour acheter tourne autour de 380 000 €, bien moins qu’on l’imagine souvent, une fois cette aide prise en compte. L’apport représente 15 % du prix (environ 56 000 €), auquel on ajoute 6 000 € de frais restants à débourser directement, ainsi que 8 000 € de mobilier initial pour meubler le bien (puisqu’il est vide).

 

Point important : Le prix d’achat, l’apport et le mobilier ne sont en réalité pas vraiment un coût. Les plus financiers d’entre vous repéreront un coût d’opportunité (sur lequel nous reviendrons), mais ces montants rentrent directement dans le patrimoine de l’acheteur, qui possède effectivement le bien.

 

Le vrai coût : le crédit immobilier

Par contre, bien qu’il le possède, l’acheteur doit souscrire un prêt immobilier pour son achat, et tant qu’il ne rembourse pas totalement le prêt, c’est un peu comme si la banque et le propriétaire avaient des droits sur ce bien. Il se crée une dette ou, si l’on prend ça du côté positif, utilise un levier pour son achat. Et ce levier (i.e., le prêt) a effectivement un coût. Et ça, c’est un vrai coût, le plus important dans le calcul.

Ce prêt est composé des intérêts sur le capital emprunté. On considère que le bien est financé via un prêt sur 25 ans, à 3,4 %, avec une mensualité fixe d’environ 1 571€. Comme pour tout crédit, cette mensualité est surtout composée d’intérêts au début, puis la part de capital remboursé augmente progressivement.

On ajoutera pour être complet, puisque l’on parle d’un appartement :

  • Charges de copropriété : 100 €/mois (en légère hausse chaque année selon l’inflation)
  • Budget entretien : 300 €/an
  • Travaux ou améliorations divers : 500 €/an
  • Assurance emprunteur : 25 €/mois

L’effet de levier : le grand avantage de l’achat

Le levier bancaire permet à l’acheteur de bénéficier pleinement de la valorisation du bien. Bien que l’acheteur ne débourse que l’apport et les frais dont on a parlé, il possède 100 % du bien, et si celui-ci prend de la valeur, il en tire les profits sur toute la valeur. C’est ça que l’on nomme le levier.

Sur la valorisation, nous restons raisonnables mais optimistes, et nous supposons une hausse moyenne de 5 % par an, en ligne avec les tendances luxembourgeoises de la dernière décennie. À la revente, au bout de 15 ans, l’acheteur récupère la valeur du bien, moins le capital restant dû, sans impôt sur la plus-value (il bénéficie de l’exonération sur la résidence principale).

Le profil locataire : flexibilité et coût d’opportunité

Maintenant, nous devons évoquer le locataire. Lui, ne paie pas de frais de notaire ni de frais bancaires, hormis une commission légale d’un demi-loyer. Les loyers sont très élevés à Luxembourg, et pour un bien équivalent, si l’on prend les charges, on se situe à 1 700 euros/mois et 850 € de commission.

Cependant, il démarre avec quasiment tout le capital qui aurait été injecté dans l’achat : près de 56 000 € d’apport + les frais économisés + le mobilier, soit environ 68 000 €. Nous avons choisi de ne pas inclure le dépôt de garantie pour simplifier le calcul, car celui-ci est normalement remboursé à la fin du bail, et, sur une période de 15 ans, ne change quasiment rien au calcul.

Son loyer de départ est de 1 700 €/mois, qui grimpe légèrement tous les 3 ans (+2,5 %), et il n’a ni charges de copropriété (ou alors elles sont incluses dans les charges du locataire), ni entretien extraordinaire (travaux, etc.) à assumer.

Le fameux coût d’opportunité

Là où la situation est intéressante pour le locataire, c’est que cette somme de l’apport, des frais, et du mobilier, n’est pas à débourser. Ce qui veut dire qu’elle peut être placée dans d’autres supports que de l’immobilier. Avec potentiellement des rendements plus importants.

Un portefeuille boursier

Pour nos calculs, nous avons choisi un portefeuille financier, composé à 80 % d’un ETF MSCI World (actions internationales) et à 20 % d’obligations globales, pour un rendement moyen visé de 6,8 % net par an.

La somme disponible pour le locataire est directement placée. Mais chaque mois, on considère aussi qu’une partie de ce qui reste au locataire après son loyer peut aussi être placée. C’est également le cas pour le propriétaire, mais avec le remboursement du prêt, les frais, les charges extraordinaires, celui-ci a potentiellement moins à investir chaque mois par rapport au locataire.

Une fois tout cela pris en compte, l’idée est simple : simuler ce qu’il reste dans la poche, et ce que ça rapporte, mois après mois, pendant 15 ans, que l’on soit locataire ou propriétaire.

Les mécanismes qui font la différence

Ce qui fait vraiment la différence entre acheter ou louer aujourd’hui, ce ne sont pas seulement les chiffres du loyer ou de la mensualité, mais les dynamiques sous-jacentes qui structurent le marché et influencent la constitution de votre patrimoine. Pour comprendre cette mécanique, il faut saisir trois leviers essentiels : la croissance immobilière, le rendement de l’épargne investie et l’impact très concret des frais et taux du crédit. C’est à partir de ces clés que nous avons structuré notre simulation. L’idée, c’est que si vous comprenez ces leviers, vous pourrez facilement adapter les calculs à votre propre situation.

Premier levier : l’évolution du marché immobilier luxembourgeois

Regardons d’abord l’évolution du marché immobilier luxembourgeois. Lorsqu’on remonte vingt ou trente ans en arrière, les hausses sont impressionnantes. Sur les deux dernières décennies, la hausse cumulée des prix immobiliers au Luxembourg est d’environ +150% à +200% en nominal.

Autrement dit, les logements valent aujourd’hui environ 2,5 à 3 fois leur niveau moyen d’il y a 20 ans. Cette augmentation correspond à une croissance annuelle moyenne approximative de +5% à +6%.

Ce chiffre découle de la combinaison d’une progression rapide dans les années 2000, suivie d’une brève accalmie en 2008–2009, puis d’une forte reprise dans les années 2010. Par exemple, entre 1995 et 2010 les prix résidentiels ont augmenté de ~+190% (soit ~7% par an) selon la Banque centrale du Luxembourg, et de 2010 à 2022 ils ont encore progressé d’environ +135% d’après Eurostat. Ces ordres de grandeur confirment qu’entre 2003–2005 et 2023, on atteint bien une multiplication par environ 2,5–3 des prix (hausse cumulée proche de +180% sur 20 ans en milieu de fourchette).

Cela montre bien que lorsque le marché est dynamique, l’effet de levier d’un crédit devient un puissant moteur de plus-value. Bien sûr, tout le monde ne repassera pas forcément par un tel scénario. C’est pour cela que dans notre simulation, nous avons choisi un taux d’appréciation « conservateur » de 5 % par an, afin d’être réaliste sans être trop optimiste, mais aussi sans sous-estimer un marché historiquement solide.

Deuxième levier : les économies que la location rend possibles

Le second levier, ce sont les économies que la location rend possibles, à condition d’avoir la discipline de les investir. Louer permet souvent de libérer un capital initial (apport + frais + mobilier) et de moins immobiliser son revenu mensuel dans un logement, comparé à un emprunt. Si cet argent est placé dans un portefeuille diversifié (par exemple 80 % actions via MSCI World et 20 % obligations mondiales), viser un rendement net de 6 à 7 % par an est une hypothèse cohérente sur 10 à 15 ans. Ce rendement peut transformer un excédent mensuel de 100 à 300 € en plusieurs dizaines de milliers d’euros de patrimoine sur la durée. Ce levier-là, c’est celui du locataire — s’il reste méthodique et ne dépense pas ces économies.

Troisième levier : les coûts invisibles liés à l’achat

Le troisième levier, souvent sous-estimé, ce sont les coûts invisibles liés à l’achat. Même avec un crédit d’impôt comme le Bëllegen Akt, il faut tout de même payer plusieurs milliers d’euros de notaire, d’acte hypothécaire ou de dossier bancaire. À la revente, l’agent immobilier prélève encore environ 3 % du prix de vente. Il y a aussi les intérêts du prêt — particulièrement élevés au début — et les charges courantes (entretien, mobilier, assurance, copropriété).

Beaucoup d’articles passent ces coûts sous silence ou les traitent de façon approximative. Dans notre simulation, nous avons pris le temps de tout intégrer sérieusement, car ce sont ces dépenses récurrentes qui érodent progressivement votre capacité à créer du patrimoine.

La mécanique mois après mois

Ces trois leviers ont été intégrés dans notre modèle, année après année. Plutôt que de dire simplement « louer coûte X, acheter coûte Y », nous avons reconstitué les flux d’argent, les investissements et la valorisation du bien mois après mois, afin d’analyser finement l’impact réel de chaque décision.

Derrière chaque scénario, il y a une mécanique financière qui s’enclenche à chaque mensualité. Dans le cas de l’achat, une partie de la mensualité rembourse le capital — c’est de l’épargne forcée — tandis que l’autre part, composée d’intérêts, s’évapore. À cela s’ajoutent les charges de copropriété, l’entretien courant, les petits travaux, l’assurance emprunteur et le coût d’opportunité de l’immobilisation du capital. Toutes ces dépenses pèsent sur la capacité d’épargne.

Dans le cas de la location, le loyer payé ne construit pas de patrimoine, mais le locataire peut placer l’apport initial non utilisé, ainsi qu’un excédent mensuel (la différence entre les coûts mensuels d’un propriétaire et ceux d’un locataire). Ce montant, réinvesti chaque mois avec discipline dans un portefeuille diversifié, bénéficie des intérêts composés et crée un capital plus liquide, accessible à tout moment.

Dans les deux cas, nous avons supposé que la personne a un revenu stable, des dépenses courantes raisonnables, et qu’elle investit systématiquement ce qui lui reste après paiement du logement et des charges. Cela permet une comparaison équitable entre les deux profils.

Plutôt que de comparer deux chiffres à la louche, nous avons suivi chaque euro sur quinze ans. Et c’est cette rigueur dans les hypothèses qui permet, in fine, de trancher rationnellement entre ces deux stratégies d’enrichissement.

Les résultats : des chiffres sans appel

À la fin de cette simulation, les chiffres ne laissent que peu de place au doute. Sur une période de 15 ans, dans notre scénario réaliste mais favorable, le propriétaire se constitue un patrimoine net estimé à environ 282 800 € (valeur actualisée), contre 112 200 € pour le locataire. Cela représente un écart de plus de 170 000 €, pour des conditions de départ quasi identiques.

L’importance des euros constants

Mais pour que cette comparaison ait un sens, nous avons pris soin d’ajuster tous les résultats en euros constants. Autrement dit, nous avons recalculé tous les montants futurs en tenant compte de l’inflation moyenne de 2,5 %/an, afin de mesurer leur valeur réelle dans le temps. Un appartement vendu 700 000 € dans 15 ans ne vaut pas la même chose qu’un appartement de 700 000 € aujourd’hui : c’est toute la différence entre des euros nominalement identiques, mais économiquement très différents. Cette rigueur est essentielle pour comparer des flux futurs de manière équitable.

Une évolution dans le temps

Cela étant dit, le résultat global masque une réalité plus nuancée dans le temps. Dans les premières années, le locataire est souvent gagnant. Il a investi un capital initial de 68 000 € (apport + frais + mobilier non déboursés), et n’a aucun prêt à rembourser. Il dispose de liquidités, d’une souplesse financière, et d’un portefeuille boursier qui commence à fructifier immédiatement. Le propriétaire, lui, supporte dès le départ des mensualités élevées, dont une large part part en intérêts.

Ce n’est qu’à partir de la 6e ou 7e année que les courbes commencent à se croiser, à mesure que la dette diminue, que la part de capital remboursé devient plus significative, et que le bien prend de la valeur.

La valorisation de 5% : réaliste ou optimiste ?

Et justement, ce 5 % de valorisation annuelle, que nous avons retenu pour le Luxembourg, mérite quelques mots. Est-ce beaucoup ? Oui. Est-ce irréaliste ? Pas vraiment. Si l’on regarde les données entre 2003 et 2023, les prix des logements au Luxembourg ont augmenté d’environ +190 %, soit une moyenne de +5,5 %/an.

À titre de comparaison :

  • Belgique : +126 % (~4,2 %/an)
  • France : +92 % (~3,3 %/an)
  • Pays-Bas : +87 % (~3,2 %/an)
  • Allemagne : +74 % (~2,8 %/an)
  • Espagne : +55 % (~2,2 %/an)
  • Italie : +16 % (~0,8 %/an)

Dans ce contexte, une hypothèse de +5 %/an au Luxembourg n’a rien d’excessif, bien qu’elle reste dépendante de l’évolution macroéconomique, démographique et politique des prochaines années.

Enfin, un avantage fiscal majeur renforce encore l’intérêt de l’achat : au Luxembourg, la résidence principale est totalement exonérée d’impôt sur la plus-value, ce qui n’est pas toujours le cas dans d’autres pays européens. Cela signifie que l’intégralité de la valorisation du bien revient à l’acheteur, sans ponction fiscale à la revente, tant qu’il a occupé le logement.

Si l’on compare honnêtement les deux profils, à revenus et discipline identiques, le propriétaire construit environ 2,5 fois plus de patrimoine net que le locataire sur 15 ans, dans ce scénario. Cela ne veut pas dire que l’achat est toujours préférable — tout dépend du contexte personnel, de la durée de détention, de la stabilité professionnelle, et de l’évolution du marché — mais cela montre qu’en conditions maîtrisées, acheter reste un puissant levier d’enrichissement patrimonial.

Les stratégies d’optimisation pour le locataire

Mais alors, tout est-il perdu pour le locataire ? Pas forcément. Si, dans notre scénario de base, le locataire conserve une position patrimoniale inférieure, cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas rééquilibrer les choses — à condition d’optimiser finement sa stratégie.

Première piste : louer moins cher

La première piste est évidente, mais puissante : louer moins cher. Contrairement à l’acheteur, qui s’engage pour 25 ans sur un crédit rigide, le locataire garde une souplesse totale. Il peut décider de changer de logement au fil du temps, en fonction de ses besoins et de ses opportunités. Et sur un marché comme celui du Luxembourg, où l’offre se diversifie, il est tout à fait envisageable de louer un logement équivalent pour 1 500 € voire moins, quitte à s’éloigner légèrement du centre ou à accepter un bien un peu moins moderne. Une économie mensuelle de 200 €, réinvestie avec régularité dans un portefeuille dynamique, peut faire une différence significative à long terme.

Optimiser sa flexibilité

Autre levier souvent sous-estimé : négocier son loyer au renouvellement du bail. Dans un contexte où les loyers augmentent moins vite que les salaires pour certains profils, le locataire a parfois un réel pouvoir de négociation. De même, la colocation, le télétravail partiel, ou la réduction de surface sont des choix plus simples pour un locataire que pour un propriétaire. Là où l’acheteur est enfermé dans son bien, le locataire peut adapter son logement à ses projets de vie.

Une stratégie temporaire

Enfin, rien n’empêche le locataire de devenir propriétaire plus tard, avec un capital plus important, un meilleur timing ou un bien mieux adapté à ses besoins. Louer dans un premier temps peut être une stratégie d’accumulation de capital, de flexibilité géographique, ou même d’attente d’un meilleur cycle d’achat. L’important, c’est d’être lucide sur le fait que la location n’est pas neutre : si elle ne permet pas de bâtir de patrimoine immobilier, elle libère en contrepartie une capacité d’investissement liquide… à condition de ne pas la dilapider.

 

Un article de Van Maurits Immobilière