Le métier d’agent immobilier est souvent perçu comme une profession accessible et nécessitant avant tout des compétences relationnelles, de bonnes aptitudes à la négociation et une excellente connaissance du marché immobilier.

Cependant, il faut savoir que le métier d’agent immobilier ne se résume pas uniquement à ces aspects et relève d’une véritable capacité de gestion d’entreprise, des risques qui y sont liés, et surtout est subordonné à de nombreuses lois liées aux relations qu’entretient l’agent avec ses clients. 

Tel un conseiller, un intermédiaire, qu’il soit banquier, notaire, avocat, ou quoi que ce soit d’autre, l’agent interagit avec des clients qu’ils soient vendeurs ou acheteurs, et se doit non seulement de respecter leurs droits mais aussi de vérifier toutes les informations liées aux transactions. Des obligations qui certes sont nécessaires, mais nous le verrons, nous paraissent légèrement disproportionnées tellement elles sont étendues. Dans ce blog, nous allons ainsi aborder les coulisses du métier d’agent immobilier au Luxembourg. Nous verrons notamment les difficultés actuelles du marché, les obligations légales et administratives qui incombent aux agents immobiliers. 

Un travail de KYC bien trop lourd 

 

Cela passe notamment par la vérification de l’identité des clients au regard des lois anticorruption et anti-financement du terrorisme. C’est un véritable travail de KYC, i.e. Know your customer, c’est-à-dire collecter des informations sur les clients, sur les éventuels bénéficiaires effectifs si le client est une société, ce qui est souvent le cas notamment pour des sociétés mettant en location des biens et ayant recours aux agents. 

 

Un non-respect de ces dispositions entraine de lourdes amendes (et parfois des plaintes personnelles), et l’agent ne peut ainsi s’y soustraire sous peine de réduire significativement ses résultats et sa confiance envers les clients. 

 

On peut à ce titre regretter que les dispositions soient aussi étendues et strictes pour les agents, considérés comme des intermédiaires, qui n’ont pas de formations juridiques et effectuent des transactions relativement simples, en comparaison avec les banques par exemple qui relève de dispositions similaires (plus étendue évidemment) alors qu’elles jouent elles dans toute autre catégorie. 

 

De plus, ce travail est effectué par le notaire qui doit également réaliser les démarches et rechercher toutes ces informations relatives aux clients. Cela fait doublon et il y a ici un décalage énorme entre un notaire dont le métier est d’assurer la conformité des actes à la loi et l’agent immobilier qui n’a pas pour vocation d’assurer cet aspect, étant avant tout là pour accompagner une vente, s’assurer de la relation entre acheteurs et vendeurs et non pas être un conseiller juridique. On pourrait peut-être penser à simplifier le système pour les agents, qui devraient aborder les informations essentielles, confirmées ensuite par le notaire qui assumerait ici l’essentiel de la responsabilité.

 

 

Des exigences drastiques liées au RGPD 

 

Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) est un règlement de l’Union européenne qui régit la collecte, l’utilisation et le partage des données personnelles. Les agents immobiliers sont soumis au RGPD, car ils collectent et traitent des données personnelles de leurs clients, tels que leurs noms, adresses, numéros de téléphone et les informations financières.

 

Non seulement ces informations doivent être collectées au regard des lois anticorruption citées plus haut, mais elles doivent aussi être extrêmement mesurées et suivrent des procédures strictes. 

 

Il faut notamment tenir un registre, et toute information collectée doit être justifiée. Si je collecte une adresse, je dois l’avoir spécifiquement mentionnée dans mon registre, justifier son utilité et comment elle est sécurisée. Un véritable poids administratif et nécessitant beaucoup de temps et la formation de tous les collaborateurs.

 

Il y également des amendes pour les agences à ce sujet, des contrôles réguliers, et la procédure est ainsi très pénalisante pour les petites agences qui n’ont pas les moyens de tenir de tels registres et de les mettre à jour.

L’enregistrement des compromis à l’administration de l’enregistrement et des domaines

 

On mentionne parfois que l’agent accompagne les clients de la première rencontre à la signature de l’acte, voire bien plus longtemps s’il on pense à la location où l’agence immobilière peut suivre le projet tout au long de sa vie locative, au fil du temps et des locataires qui arrivent et partent régulièrement. 

 

Mais c’est en réalité bien au-delà du suivi des ventes et des locations que cela impacte les agences, puisque cela passe notamment par le respect de toutes les obligations liées à l’enregistrement des compromis de vente. 

 

Vous validez votre acquisition et signez votre compromis, mais ensuite, c’est à l’agent de mettre en place une procédure afin d’envoyer ce document à l’administration, qui va l’enregistrer et appliquer des frais sur ce travail. 

 

Les règles de délais et de procédures sont assez précises et nécessitent du temps et de l’attention pour être respectées. Par exemple, si le compromis est rendu un jour après la date prévue, des sanctions sont prévues. C’est assez précis, rapide, et il faut ainsi s’assurer de prendre en compte les délais de la poste pour s’assurer que l’administration reçoive les documents à temps. Cela exige également d’avoir une version parfaitement signée (avec les mentions nécessaires) avant l’envoi.

 

L’agence doit donc s’y conformer, et penser aux détails les plus importants, par exemple, les clauses suspensives doivent être rédigées très clairement et si le compromis en contient une, alors les frais diffèrent d’un compromis qui est en dépourvu.

 

Elle doit surtout mettre en place une procédure pour s’assurer d’être à temps, et doit prendre en compte les règles de réception qui constituent la base de la procédure fiscale (des compétences légales et fiscales, encore une fois).

 

Les contestations impliquent des démarches auprès de l’administration fiscale, prenant du temps et ayant difficilement une chance d’aboutir sans connaissances des procédures administratives et fiscales qui sont complexes. Chez Van Maurits par exemple, cela implique de classer les dossiers de manière physique (puisque les compromis sont envoyés par lettre et en format papier) pour qu’à chaque semaine, on s’assure d’envoyer les bons compromis signés et vérifiés et cela dans le temps imparti.

Cela prend du temps, coûte de l’argent à partir d’un certain nombre de compromis (personne dédiée à la tâche par exemple), et il faudrait peut-être simplifier les démarches (en ligne), réduire les coûts de l’enregistrement (qui constituent en réalité un impôt supplémentaire) et surtout assouplir les délais afin de permettre aux agents de mieux s’organiser (et considérant les délais des notaires de toute façon prévues bien plus tard dans les compromis).

On voit donc que la profession nécessite de réelles connaissances juridiques, est subordonnée à de nombreuses régulations et obligations, et on se demande pourquoi cela est aussi étendue pour une activité qui relève de la vente, de l’intermédiaire et non d’une profession technique sur le plan des régulations (avocats, notaires, professionnels des banques, etc).

Tout cela est extrêmement défavorable aux indépendants, aux agences à taille humaine, qui ne réalise pas des transactions complexes et manque de moyens, ou du moins pourrait accorder bien plus de temps à la relation clients qu’aux pures formalités. Pourrait-on assouplir ces exigences et les digitaliser ? Ces obligations que l’on cite devrait en réalité relever des banques (qui accordent les financements aux clients et sont-elles toutes importantes en termes de moyens et de structures, contrairement aux agences qui débutent à un seul agent), aux notaires (qui vérifient les actes) et de l’administration elle-même sur le volet fiscal et de vérification des données des clients selon les informations de ces institutions que l’on vient de citer.

 

Des obligations couplées à un marché immobilier en ralentissement

Terminons ce propos en rappelant que la situation actuelle sur le marché est difficile, même si les prix restent élevés, ceux sont les volumes de transaction qui eux sont drastiquement en baisse. 

Ainsi, les agences doivent tout adapter. Un montant plus faible de transactions est synonyme d’un chiffre d’affaires en déclin pour l’agence, pourtant, ses coûts (i.e, le loyer du bâtiment, les agents si l’agence a des employés, en réalité tous les coûts fixes que l’agence peut engendrer) eux restent pour une grande partie les mêmes, et particulièrement les coûts liés à toutes les obligations administratives et juridiques que l’on a évoqués. C’est-à-dire qu’avec des revenus plus bas, l’agence doit tout de même tout mettre en place pour respecter toutes ces dispositions, même s’il y a moins de compromis, les mêmes procédures internes restent et les mêmes nécessités d’allouer du temps et des employés à ces tâches continuent de peser sur les agences. Un registre RGPD est indépendant du nombre de clients par exemple. Les petites agences, si jamais elles parviennent à maintenir leurs activités (les agents solitaires ne peuvent tenir dans le marché actuel), ne peuvent concurrencer les grandes structures. 

Alors dans un marché qui est devenu plus contraignant, dans des conditions économiques et financières qui pèsent lourds sur les agences et particulièrement les petites structures, il serait peut-être nécessaire de penser à simplifier les démarches et éviter de faire peser des obligations administratives toujours plus étendues à une profession intermédiaire (nous n’allons pas dans ce sens avec toujours plus de normes juridiques), et assouplir les divers délais administratifs afin de permettre aux agents de se concentrer sur le mission originelle : conseiller et mettre en relation acheteurs et vendeurs afin de tirer le meilleur pour chacune des parties. 

Un article de Van Maurits Immobilière.