De nouvelles dispositions radicales

La question de l’énergie ne cesse de prendre de l’ampleur, dans un contexte de guerre d’Ukraine ayant abouti à une hausse générale des prix, et plus généralement dans une ambition écologique, de réduction et de transformation des consommations nécessaires à la transition verte. Le secteur immobilier n’y est pas étranger, et la question de la notation énergétique des immeubles est désormais au centre du débat.

L’Union européenne s’est en effet engagée dans une transition énergétique visant à réduire les émissions de carbone dans le secteur, et prévoit la rénovation énergétique de 35 millions de bâtiments d’ici à 2030 et la décarbonation complète du parc immobilier d’ici à 2050.

Une étape cruciale a été franchie le 14 mars, lorsque le Parlement européen a adopté, par un vote en séance plénière, une décision historique introduisant des normes minimales en termes de performance énergétique. Cela faisant suite à une décision cette fois-ci française (loi Climat et résilience) imposant aux propriétaires de ne pas louer les logements les plus gourmands en énergie, dits passoires thermiques, classés dans les deux dernières catégories de performance énergétique. Il y a ainsi une interdiction de louer ces logements et même un gel des loyers.

L’Union européenne va désormais plus loin, et souhaite contraindre les propriétaires, d’ici 2030, à rénover leurs logements énergivores avant de les vendre (selon la même idée des deux dernières classes les plus énergivores). Cette mesure s’appliquerait tant aux logements individuels et collectifs qu’aux bâtiments non résidentiels et publics.

Ces dispositions influenceront sans aucun doute le marché, puisqu’elles auront un impact grandissant sur la valeur des biens les moins performants énergétiquement, mais conduiront également les prochaines politiques de financement, les banques incluront de plus en plus ces éléments dans la négociation des prêts et peut-être même en tant que condition d’accord.

Cette classification est-elle dans ce cadre déjà existante au Luxembourg ?

Le certificat de performance énergétique (CPE) au Luxembourg

Au Luxembourg, le certificat de performance énergétique, également connu sous le nom de passeport énergétique, et valable 10 ans, classe les bâtiments d’habitation en fonction de leur performance énergétique. Il fournit des informations sur les besoins énergétiques calculés du bâtiment et leurs émissions de CO2, comprenant des classes de A+ à I.

 

 

La note dépend du besoin en énergie primaire (la consommation électrique pour l’ensemble des équipements), du besoin en chaleur de chauffage et tient également compte des émissions de CO2.

Le certificat est obligatoire lors de la vente, de la location, de la transformation, de l’extension ou de la construction d’un bâtiment d’habitation, et représente ainsi un document incontournable à toute opération, sauf dans le cas des démolitions où le promoteur devra en effectuer un pour les nouveaux logements construits (un calcul de performance énergétique actualisé doit être fourni au bourgmestre dans les deux mois suivant la réception définitive du bâtiment ou le début de son utilisation.) On précise également que les donations/successions échappent à l’établissement du certificat.

Concernant la transformation, on considère que les travaux ayant un impact sur la performance énergétique du bâtiment, tels que des modifications substantielles de l’enveloppe thermique ou des installations techniques, peuvent également rendre obligatoire l’établissement d’un certificat.

Pour obtenir un certificat de performance énergétique, il est nécessaire de faire appel à un expert de la construction tel qu’un architecte, un bureau d’ingénieurs-conseils ou un expert agréé par le ministère de l’Énergie et de l’Aménagement du territoire.

Les frais dépendent de l’étude, et on pourrait regretter l’absence de dispositif de subvention ou fiscal de la part de l’Etat dans son établissement, ce qui pourrait permettre globalement d’améliorer le dispositif et la qualité des analyses.

Les documents nécessaires pour l’établissement du certificat dépendent du type de construction (nouvelle construction ou bâtiment existant) et comprennent généralement les plans, les détails de construction et les relevés de consommation d’énergie thermique des années précédentes.

Ce document est-il pour autant suffisant ?

Une obligation déclarative très restreinte

Une opération immobilière au Luxembourg ne fait qu’intervenir en la matière qu’un seul document, ce certificat de performance que l’on vient de décrire.

A l’exception des copropriétés où les documents de l’Assemblée générale des copropriétaires, les dépenses d’entretiens et de réparation sont communiqués aux futurs acquéreurs, aucun autre document n’est prévu par la législation luxembourgeoise. Bien que l’on puisse demander en pratique les factures de chauffage par exemple, cela n’est pas en théorie obligatoire.

C’est pourtant dommage, disons même insuffisant, quand l’on connait la complexité d’un immeuble, que ce soit la qualité intrinsèque du bien, ses murs, sa charpente, sa toiture ou même sa tuyauterie (qui certes sont pris en compte notamment pour la question de l’isolation du bien en performance énergétique, mais non pas étudiés en eux-mêmes), la qualité des dispositifs électriques également. Les éléments plus risqués, comme la présence d’amiante, de thermites, ou simplement les risques liés aux catastrophes naturelles (inondations) mériteraient une attention particulière.

D’autant plus que s’il on compare la situation avec d’autres Etats, notamment la Belgique et la France, les obligations déclaratives sont bien plus développées et complètes.

On parle des 9 obligations en Belgique pour la cession d’un bien.  Le titre de propriété, obtenu lors de l’acquisition ou de l’héritage du bien, ainsi que les documents relatifs au bail en cas de location, tels que le contrat de bail et l’état des lieux, doivent être rassemblés. Le certificat PEB, qui évalue la performance énergétique du logement, doit également être fourni et est valable pendant 10 ans, mais il doit être mis à jour si des travaux ont été effectués pour améliorer la note énergétique. Une attestation de sol peut être requise si le vendeur est au courant de la présence de pollution sur le site, tandis qu’un certificat de contrôle électrique est obligatoire pour prouver la conformité de l’installation électrique. Les renseignements urbanistiques font l’objet de certificats. Un dossier d’intervention ultérieure doit être constitué, recensant tous les travaux réalisés depuis le 1er mai 2001, ce qui permet d’avoir un Etat des lieux complets du bien que l’on souhaite acheter.

Cela permet non seulement d’avoir une idée de la performance énergétique grâce au certificat analogue à la disposition luxembourgeoise, mais aussi des renseignements généraux et détaillés du bien, tel un historique, un carnet de réparations du bien. Cela apporte de la visualisation, et la projection détaillée des travaux effectuables. Nul doute que de tels renseignements peuvent être utiles à la présentation de son projet devant la banque.

En France, en plus du diagnostic de performance énergétique (DPE), similaire au certificat de performance, il est nécessaire de réaliser pour une vente, un constat de risque d’exposition au plomb, un état de l’amiante, des termites, des installations électriques, de gaz et d’assainissement. Il y a également une analyse des risques naturels et plus surprenant, du bruit à l’alentour.

Cela est peut-être trop d’informations, de procédure et de documents à fournir, mais la visualisation est ainsi rendue beaucoup plus complète et claire pour le potentiel acheteur.

Sur la question des logements classés dans les deux dernières catégories, que nous évoquions en introduction, ceci font l’objet en France d’un audit qui doit permettre de proposer au futur acquéreur les différentes manières d’effectuer des travaux, ce sont grosso modo des propositions de travaux. Cela sera nécessaire lorsque la directive européenne sera effective, car le chiffrement des travaux viendra en décote du prix de vente de ces passoires (en fait, l’interdiction de vente sera probablement matérialisée par l’obligation d’appliquer la décote des travaux, nécessaires à améliorer la performance, au prix du bien en vente).

Enfin, s’il on craint la multiplication des documents liés à ces obligations, depuis 2023, ceci sont centralisés pour les nouveaux biens (ou ceux ayant reçu des travaux changeant la classe énergétique) dans un carnet d’information du logement, qui prendra en compte ces certificats énergétiques, mais aussi des informations générales sur les matériaux du bien et sur le système de chauffage/refroidissement, ce qui semble indispensable dans un contexte d’optimisation des matériaux et de recherche de solutions de chauffage de plus en plus efficientes et non coûteuses en consommables et entretien.

Un document qui rassemble les informations indispensables (peut-être sans aller aussi loin que les dispositions françaises légèrement rigides), indiquant non seulement un état énergétique mais aussi un état général du bien, incluant ses matériaux et ses systèmes électriques et de chauffage, éventuellement les travaux effectuables dans l’idée d’améliorer la classe énergétique, serait bénéfique dans les opérations immobilières luxembourgeoises. Il apporterait de la visualisation et permettrait aux banques une bien meilleure appréciation des opérations. Un certificat effectué juste pour être réglementaire n’a aucun intérêt (actuellement, nombreux compromis sont réalisés sans aucune considération), la conscience des défis climatiques et la transformation du parc immobilier exige de la clarté et des informations les plus efficientes et détaillées possibles pour les futurs acquéreurs.

Une cartographie des bâtiments

Les compromis de vente sont accompagnés des certificats de performance, et l’on pourrait ainsi imaginer une communication systématique de ces éléments par les notaires aux organismes statistiques (LISER notamment). Mieux, un document plus complet et indiquant l’état général (incluant les matériaux, les systèmes et technologies de chauffage et d’électricité) pourrait permettre des statistiques mises à jour très régulièrement et établissant une cartographie des biens luxembourgeois en la matière. Ce serait particulièrement efficace dans l’analyse de la transition énergétique dans le secteur immobilier, l’objectif de l’Union Européenne, en 2030, approchant à (très) grands pas.

Un article de Van Maurits Immobilière