Le Luxembourg est réputé pour sa fiscalité clémente, et l’immobilier ne déroge pas à la règle, les plus-values sur les résidences principales étant notamment entièrement exonérées d’impôts.

Pourtant, en y regardant de plus près, cette exonération visant la résidence principale n’a rien d’exceptionnelle, la France, la Belgique et l’Allemagne appliquant par exemple des dispositions analogues. Les définitions de résidence principale, terme repris par les législation luxembourgeoises et françaises, diffèrent des autres pays, mais l’idée est la même, le logement principal/familial est en général exonéré de plus-value immobilière.

De plus, le régime des plus-values immobilières au Luxembourg pour le reste des biens est en réalité bien moins compétitif que l’on ne le pense. Ici, on s’intéresse aux plus-values qui visent la vente des résidences secondaires, de terrains, de parts dans des sociétés à prépondérance immobilière, et autres biens qui ne constituent pas la résidence principale. Ce sera également typiquement le cas d’un bien hérité, certes, l’héritage en ligne directe est exonéré, mais le fait de vendre le bien à la suite de l’héritage engendre une plus-value qui elle est belle et bien taxable (sauf si c’est une résidence principale bien sûr). On notera à ce propos, que l’héritage en ligne directe est exonéré (grands-parents/parents/enfants), mais les héritages d’oncles ou tantes, ou entre frères et sœurs, sont respectivement taxés à 9 et 6%, et en cas de vente, la plus-value générée est également taxée. Rappelons que l’héritage d’un tiers, qui n’a aucun lien avec l’héritier, est taxé à 15%, ce qui laisse penser que les 9% entre oncles/tantes, neveux/nièces sont plutôt punitifs.

Le régime de la spéculation donne l’avantage au Luxembourg.

Il convient de rappeler brièvement la fiscalité des plus-values au Luxembourg, et avant d’en envisager les défauts, il faut tout de même

souligner que le régime de la spéculation est plutôt favorable. En effet, au Luxembourg, on définit un bénéfice comme étant de la spéculation, si le bien est cédé moins de deux années après son acquisition. Si le bien est vendu une fois les deux ans écoulés, dans ce cas, le bénéfice est considéré comme une cession. La différence étant que la spéculation donne lieu à un impôt égal au taux de l’impôt sur le revenu (sans abattements), alors que la cession est imposée au demi-taux, c’est-à-dire à la moitié du taux de l’impôt sur le revenu, et bénéficie d’un abattement décennal de 50 000 euros (et 100 000 euros entre époux).

L’avantage réside dans le fait que dans d’autres pays, l’équivalent de la spéculation répond à des durées de détention plus élevées. En Belgique, vous êtes imposés en spéculation (à un taux de 33% environ), si vous vendez moins de 5 ans après l’acquisition. En France, vous avez 0% d’abattement avant la 6ème année de détention (c’est-à-dire qu’entre 0 et 5 ans, il n’y a aucun abattement). Enfin, en Allemagne, l’exonération est atteinte seulement au bout de 10 ans (attention, nous allons voir plus loin que cela constitue également une taxation très avantageuse).

 

Le bénéfice de cession reste lourdement taxé.

Bien que le bénéfice de cession soit rapidement atteint (pour rappel, au bout de 2 ans de détention), c’est la suite des événements qui est moins avantageuse. Parce qu’en effet, les autres pays ont prévu des mécanismes qui réduisent considérablement l’impôt à payer à partir d’un certain nombre d’années de détention.

Avant de les aborder, il faut contextualiser ce propos en rappelant que le Luxembourg traverse une crise du logement, due notamment au fait que peu de biens sont à vendre. Les ménages plutôt âgés qui détiennent des biens ne sont pas incités à les céder, puisque hormis l’abattement décennal, aucune disposition ne prend en compte le nombre d’années de détention du bien.

Concrètement, que vous vendiez votre bien 2 ans après l’acquisition, ou 9 ans après l’acquisition, cela n’a aucun impact sur l’imposition. A contrario, la fiscalité sur les dons et la succession est extrêmement avantageuse, puisque qu’en ligne directe, il y a dans la plupart des cas une exonération totale.

Certes, on pourrait rétorquer que le demi-taux est avantageux (21% maximum), mais il n’évolue pas avec le temps de détention. Et c’est bien là le problème. En France, vous avez un tableau auquel vous pouvez accéder ci-dessous, qui présente les abattements pour durée de détention en plus-value immobilière. En fait, une fois la cinquième année passée, vous avez chaque année un abattement de 6% qui s’applique, et au bout de 22 ans, votre plus-value immobilière est totalement exonérée de l’impôt sur le revenu. Des prélèvements sociaux s’appliquent également, mais ceux-ci bénéficient également d’un abattement chaque année de détention (cette fois-ci, vous êtes exonérés de prélèvements sociaux au bout de 30 ans de détention).

Prenons un exemple concret. J’achète, seul, une résidence secondaire en 1997, que je revends au bout de 25 ans en 2022. Partons du principe que je réalise, au vue de l’évolution des prix du marché ces dernières années (que ce soit à Luxembourg ou à Paris par exemple), une plus-value de 300 000 euros.

Au Luxembourg

– J’applique mon abattement de 50 000 euros (en supposant que sur les dix dernières années, je n’ai pas encore utilisé l’abattement).
– Ma base imposable est donc de 250 000 euros (300 000 – 50 000).
– Disons que j’ai un revenu de 45 000 euros à l’année, et que mon taux d’imposition est ainsi de 38% (en prenant le tarif de base sans rentrer dans les détails).
– Mon demi-taux est donc de 19% (38/2).
– Je dois ainsi régler 47 500 euros d’impôts sur ma plus-value (19% x 250 000).

En France

Maintenant, le même exemple en France. Je bénéficie d’un abattement de 100% au titre de l’impôt sur le revenu (durée de détention > 22 ans), et de 55,5% au titre des prélèvements sociaux (voir tableau ci-dessous).

Ma base des prélèvements sociaux est la suivante : 300 000 * (100-55,5) = 133 500.
Le montant des prélèvements sociaux : 133 500*17,2% = 22 962 euros.

L’imposition est dans cet exemple deux fois moins élevée en France. Et si la durée de détention dépassait les 30 ans en France, l’exonération aurait été totale.

En Allemagne

La situation est encore plus favorable, puisque qu’aucune taxation de la plus-value immobilière ne s’applique au bout de 10 années de détention. Le marché allemand est en effet différent, car la plupart des ménages préfèrent la location (en particulier dans les grandes villes) à la propriété, et l’idée du mécanisme est ainsi de dynamiser le marché et d’apporter des investisseurs étrangers. Notons par ailleurs que quasiment la totalité des conventions fiscales signées par le Luxembourg allouent l’imposition des plus-values immobilière au pays où se situe le bien, un résident luxembourgeois détenant un bien en Allemagne bénéficiera ainsi du régime d’exonération.

Enfin, en Belgique, le taux après 5 ans de détention au niveau de l’imposition sur le revenu est de 16,5%, ce qui reste dans la plupart des cas équivalent voire moins élevé que le demi-taux luxembourgeois, mais auquel il faut rajouter les centimes additionnels en fonction de la commune où se situe le bien. Les 16,5% s’appliquent peu importe le montant de la vente. Du fait de l’absence d’abattements équivalents à ceux présentés en France ou l’abattement décennal luxembourgeois, l’imposition n’y est pas forcément très avantageuse.

On rappellera tout de même qu’au Luxembourg, il convient de calculer le prix d’acquisition, afin de déterminer la plus-value, en réévaluant le montant selon un coefficient d’ancienneté. Cela n’a rien avoir le barème français, puisque le dernier prévoit des abattements ayant pour finalité l’exonération de plus-value, alors que le luxembourgeois ne permet que de réévaluer l’acquisition selon un barème pas forcément très attractif. En effet, en regardant les données de l’observatoire de l’habitat, le premier indice de valeur des biens pour la commune de Luxembourg, en 2007, est de 100, et aujourd’hui il se situe à environ 250, soit 2,5 fois plus. Et le coefficient correspondant sur le barème, entre 2007, et 2020, est seulement de 1,23.

Si l’on reprend notre exemple, en 1997, le coefficient est de 1,51. Prenons l’exemple d’une maison achetée à 100 000 euros en 1997, et qui vaut aujourd’hui en 2022, 800 000 euros.

Prenons également en compte qu’en France, à partir de 5 ans de détention, on peut prévoir un forfait de 15% de travaux, sans pièces justificatives. Au Luxembourg, on peut également justifier le montant des travaux afin de réévaluer le prix d’acquisition (les dépenses d’investissement), mais la justification est obligatoire, il n’y a pas de forfait. Pour ce qui est des frais de notaire, et d’agences immobilières, la situation est globalement similaire et on éliminera ainsi ces valeurs car leurs impacts sera minime dans la comparaison (il faut aussi rappeler que l’enregistrement au Luxembourg reste élevé, de l’ordre de 6%, auquel on rajoute le notaire à 1%, en France, l’enregistrement du bien immobilier équivaut à 5% environ en ajoutant les différentes taxes nationales et locales, et on peut évaluer forfaitairement ces valeurs à 7,5%, on aurait donc une différence de 7,5-7%=0,5% ce qui ne change quasi rien). Une différence pourrait se situer dans les coûts liés aux donations/successions, très élevés en France et potentiellement majorant le prix d’acquisition. La logique est la même pour les frais de cession réduisant le montant de la cession (prix de vente), les déductions sont globalement similaires.

En faisant donc bref, sans justifier les travaux on peut prendre une base en France de 100 000 x 1,15, soit 115 000 euros, et au Luxembourg, une base de 100 000x 1,51, soit 151 000 euros.

Ma base est ainsi de 685 000 en France, et 649 000 au Luxembourg.

Au Luxembourg, j’applique mon abattement de 50 000 euros (en supposant que sur les dix dernières années, je n’ai pas encore utilisé l’abattement), ma base imposable est donc de 599 000 euros.

En reprenant mon demi-taux de 19% , je dois ainsi régler 113 810 euros d’impôts sur ma plus-value (19% x 599 000).

En France, je bénéficie d’un abattement de 100% au titre de l’impôt sur le revenu (durée de détention > 22 ans), et de 55,5% au titre des prélèvements sociaux (voir tableau ci-dessous). Ma base des prélèvements sociaux est donc la suivante : 685 000 * (100-55,5) = 304 825.

Le montant des prélèvements sociaux : 304 825*17,2% = 52 429,9 euros.
La différence est donc notable. 113 810 euros face à 52 429, 9 euros en France.

Ce coefficient de réévaluation est sensé refléter l’inflation (modèle 700 si vous voulez voir l’ensemble lien), mais on voit bien qu’il reste peu avantageux par rapport à l’abattement français. Son efficacité serait surtout trouvée dans le cas d’un héritage d’un bien, dont on souhaite en réaliser la vente. Si un grand-parent, un grand oncle, achète un bien il y a plusieurs années, on réévaluerait le bien et la plus-value serait bien amoindrie. Mais les coefficients ne suffisent pas à obtenir ce résultat. Un exemple, le coefficient de 1980 est de 2,72. Entre 1980 et 2022, multiplier le prix d’acquisition par 2,72 ne change pratiquement rien quand on regarde l’envolée des prix. Ce qui nous amène à la conclusion, le contribuable n’est pas incité à vendre alors que le marché de l’immobilier est saturé.

Une imposition qui alimente la tension sur le marché de l’immobilier luxembourgeois.

Les ménages qui détiennent un bien depuis de nombreuses années ne sont ainsi pas avantagés au Luxembourg, l’imposition ne prenant pas en considération la durée de détention pour l’abattement mais uniquement pour la réévaluation du prix d’acquisition. La seule chose considérée est la spéculation, si la vente intervient moins de 2 ans après l’acquisition. En réalité, la spéculation est plutôt favorisée, puisque qu’en comparaison avec les autres pays, la vente entre 2 et 5 ans après l’acquisition y est largement plus avantageuse qu’en France, Belgique ou Allemagne où aucun abattement ni réduction du taux d’imposition ne s’applique. Par ailleurs, dans l’exemple de la France, les premiers abattements sont relativement faibles, et ne peuvent concurrencer le demi-taux d’imposition luxembourgeois s’il on additionne l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux (pour les années 5 à 10 particulièrement).

En revanche, la donne est complétement différente pour les ménages qui possèdent des biens depuis plus de 15-20 ans, les derniers auront bien plus de mal à décider de vendre au Luxembourg par comparaison avec la France et l’Allemagne. En effet, comme on l’a vu, cela résulte en l’imposition d’une plus-value sans pouvoir bénéficier d’abattement spécifique aux nombreuses années de possession. Et pourtant, c’est précisément ce type de ménages qui devraient être incités à vendre, inciter à mettre leur bien sur le marché, afin de renforcer le nombre d’offres disponibles. Ce sont ces propriétaires qui conservent leurs biens et maintiennent la tension sur le marché. Cette imposition est ainsi un levier à considérer, les demandes de logement augmentant sans cesse, et les prix grimpant en flèche.

Celui qui hérite un bien, non seulement doit payer des droits de succession si ce n’est pas en ligne directe (reprenons l’exemple d’un oncle ou d’une tante à 9%), mais à la revente, devra s’acquitter d’une imposition de la plus-value, et même si le bien est détenu par la famille depuis de nombreuses années, la seule chose disponible est la réévaluation du bien qui est très largement insuffisante à amoindrir la plus-value réalisée par le contribuable. Dans ces conditions, on comprend pourquoi des friches sont laissées à l’abandon au Luxembourg, et que les offres disponibles sont de moins en moins enclines à satisfaire la demande croissante !

 

Un article de Van Maurits Immobilière